Certaines décisions cruciales ne sont pas difficiles à prendre : elles s’imposent d’elles-mêmes. À 40 ans j’éprouvai soudain une impression d’étrangeté, je regardai le monde des êtres comme je regardai le monde des choses avec les yeux d’un vieil enfant. Plus rien ne me parlait. Plus rien ne résonnait en moi. Entre l’univers dans lequel jusque là je naviguais à l’aise et mes sentiments actuels, s’était élevée une vitre opaque. Je pris alors la décision de me couper définitivement du milieu qui, jusque là, avait été le mien, celui de la création. Et même si parfois j’en éprouve une légère nostalgie, notamment à cause de la solitude relative que cette décision impliquait, je ne l’ai jamais regrettée : désormais je serais davantage que ce que je paraîtrais car je venais de comprendre que je n’étais pas là où je devais être.

Mon dernier roman venait d’obtenir un prix littéraire important, un de mes recueils de poésie connaissait un réel succès de vente, j’étais invité dans de nombreux salons littéraires et l’université de Montpellier organisa un colloque sur mon œuvre auquel je fus bien entendu invité.


Au mois d’août de ma dix huitième année, l’ami dont j’étais profondément amoureux d’un amour que je croyais partagé, m’abandonna du jour au lendemain pour vivre avec un homme qui avait deux fois son âge, dont le compte en banque était infiniment mieux garni que le mien et qui menait un train de vie des plus agréables. Ce fut un choc violent. Parce qu’ils étaient partis en vacances, je retournai à Mende, dans la maison de mes parents et, une nuit où je me sentais désespéré et seul, je vidai une bouteille de rhum. Le lendemain, je fus affreusement malade et, à partir de ce jour, la simple odeur du rhum, provoquait de violentes réactions de rejet. L’effet de ces conférences eut sur moi le même effet : à partir de là, je ne supportai plus le milieu littéraire dont l’artificialité m’avait explosé en pleine figure.

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