Est-ce l’ennui, l’effet du vieillissement, l’attendrissement sur soi-même qui guette chacun d’entre nous ? Aujourd’hui j’ai ouvert les caisses où s’entasse ma correspondance. Comme mon père je garde tout, aussi ai-je plusieurs caisses remplies de cartes, lettres… qui m’ont été envoyées au temps où j’existais encore. La mémoire est une étrange machine, j’avais oublié avoir entretenu des échanges avec tant de personnages qui, pour la plupart morts aujourd’hui, ont compté, d’une façon ou d’une autre dans l’histoire de l’art contemporains. Mon seul héritier étant Ronald Cline, je sais qu’il n’en comprendra pas l’importance et, comme mes milliers de livres, détruira tout cela ou, au mieux, le bradera à un brocanteur ignare. À quoi se raccroche la force de vivre ? Je ne supporte pas l’idée que tout cela disparaisse aussi, sur cet espace qui, paraît-il, est éternel, je veux en laisser quelque trace. Je publierai ainsi, ici, quelques unes de ces lettres sans pour autant en révéler ce qui, en elle, m’est personnel.
Regardant des photos de ma vie, je me trouve confronté à l'inutilité du temps : ces photos témoignent, et ne mentent pas, de ce que j'ai vécu et pourtant je ne m'y retrouve pas. Tel beau jeune homme svelte, presque dansant dans l'allée d'une forêt, je ne le reconnais pas même si j'ai la certitude absolue que ça été un moment de moi, tel enfant joufflu marchant difficilement soutenu de chaque côté par un de ses parents, tel adolescent en tenue de première communion s'appuyant sur l'épaule de son jeune frère… et ces dizaines d'autres jetées comme pour jalnner des espaces temporels variés me restent extérieurs. Certes j'ai été ceux ci à ces moments là mais je ne parviens à retrouver ni la texture ni la saveur de ces instants définitivement perdus. Ni madeleine ni flash de sensations : tout cela m'est définitivement perdu.
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