Est-ce l’ennui, l’effet du vieillissement, l’attendrissement sur soi-même qui guette chacun d’entre nous ? Aujourd’hui j’ai ouvert les caisses où s’entasse ma correspondance. Comme mon père je garde tout, aussi ai-je plusieurs caisses remplies de cartes, lettres… qui m’ont été envoyées au temps où j’existais encore. La mémoire est une étrange machine, j’avais oublié avoir entretenu des échanges avec tant de personnages qui, pour la plupart morts aujourd’hui, ont compté, d’une façon ou d’une autre dans l’histoire de l’art contemporains. Mon seul héritier étant Ronald Cline, je sais qu’il n’en comprendra pas l’importance et, comme mes milliers de livres, détruira tout cela ou, au mieux, le bradera à un brocanteur ignare. À quoi se raccroche la force de vivre ? Je ne supporte pas l’idée que tout cela disparaisse aussi, sur cet espace qui, paraît-il, est éternel, je veux en laisser quelque trace. Je publierai ainsi, ici, quelques unes de ces lettres sans pour autant en révéler ce qui, en elle, m’est personnel.

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