N’ayant plus d’avenir, les vieillards ruminent leur passé. Je ne l’ignore pas et ne prétend pas m’exempter de ce péché d’orgueil. Pourtant, écrivant ces pages, j’essaie de le faire dans une autre perspective. Mon époque ne me semble en rien supérieure à l’époque actuelle et les événements que j’ai pu vivre ne sont en rien remarquables ni héroïques. Différents certes, en tous cas différents et c’est à la fois cette différence, quasi ethnographique que j’essaie de faire comprendre et, en même temps, inséparable, ce qu’il y a de profondément commun : l’éternelle identité humaine dans l’éternelle différence des vécus. Être, à la fois, indissolublement, l’unicité que j’ai été et l’identité dans laquelle j’aimerais que mes lecteurs se trouvent. « Je est un autre » disait Rimbaud car l’identité universelle du « Je » est toujours irréductiblement autre. Que chacun de mes lecteurs se lisent en moi dans leur différence essentielle.
Regardant des photos de ma vie, je me trouve confronté à l'inutilité du temps : ces photos témoignent, et ne mentent pas, de ce que j'ai vécu et pourtant je ne m'y retrouve pas. Tel beau jeune homme svelte, presque dansant dans l'allée d'une forêt, je ne le reconnais pas même si j'ai la certitude absolue que ça été un moment de moi, tel enfant joufflu marchant difficilement soutenu de chaque côté par un de ses parents, tel adolescent en tenue de première communion s'appuyant sur l'épaule de son jeune frère… et ces dizaines d'autres jetées comme pour jalnner des espaces temporels variés me restent extérieurs. Certes j'ai été ceux ci à ces moments là mais je ne parviens à retrouver ni la texture ni la saveur de ces instants définitivement perdus. Ni madeleine ni flash de sensations : tout cela m'est définitivement perdu.
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