Pourquoi, alors que je mange un morceau de baguette chaude me revient en mémoire un des plaisirs gustatifs les plus forts de mon enfance, celui du morceau de sucre enfoncé dans la mie d’une baguette fraîche : contraste des matières, dureté du morceau de sucre, léger craquant de la croûte tiède, fondant de la mie, violence du goût du sucre et légèreté salée du pain, tout ceci dans un même moment, dans la bouche lorsque la dent brisant la résistance du petit cube de sucre libère, à la fois, toutes ces saveurs.
Regardant des photos de ma vie, je me trouve confronté à l'inutilité du temps : ces photos témoignent, et ne mentent pas, de ce que j'ai vécu et pourtant je ne m'y retrouve pas. Tel beau jeune homme svelte, presque dansant dans l'allée d'une forêt, je ne le reconnais pas même si j'ai la certitude absolue que ça été un moment de moi, tel enfant joufflu marchant difficilement soutenu de chaque côté par un de ses parents, tel adolescent en tenue de première communion s'appuyant sur l'épaule de son jeune frère… et ces dizaines d'autres jetées comme pour jalnner des espaces temporels variés me restent extérieurs. Certes j'ai été ceux ci à ces moments là mais je ne parviens à retrouver ni la texture ni la saveur de ces instants définitivement perdus. Ni madeleine ni flash de sensations : tout cela m'est définitivement perdu.
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