Pourquoi, alors que je mange un morceau de baguette chaude me revient en mémoire un des plaisirs gustatifs les plus forts de mon enfance, celui du morceau de sucre enfoncé dans la mie d’une baguette fraîche : contraste des matières, dureté du morceau de sucre, léger craquant de la croûte tiède, fondant de la mie, violence du goût du sucre et légèreté salée du pain, tout ceci dans un même moment, dans la bouche lorsque la dent brisant la résistance du petit cube de sucre libère, à la fois, toutes ces saveurs.
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison...
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