Quoi qu’on fasse, on meurt seul, dans son coin, entouré de la comédie humaine. Étant donné mon âge, ma solitude et ma robustesse, je m’imagine bien mourir dans ma maison, à petit bruit, sans que personne ne s’en aperçoive pas plus mon neveu Ronald qu’un autre car le jour, la durée étant plus ou moins aléatoire, où il décidera de me rendre visite, il trouvera ma porte close et ne s’en souciant pas plus que ça, repartira jusqu’à sa prochaine visite. Mon corps aura le temps de se dessécher — ou de pourrir car il ne comprendra qu’il se passe quelque chose d’anormal qu’après plusieurs aller-retour. Quant aux autres, il faudra une longue accumulation de courriers, et surtout de factures, sans réponse pour que quelqu’un se demande si je suis encore en vie.
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison...
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