Je n’ignore pas que mon écoute obstinée de la musique est un enfermement dans une bulle intemporelle que renforce encore mon obsession des chansons anciennes de mon enfance. Je vis, dans la solitude, une solitude construite, affirmée et même si parfois celle-ci me pèse, c’est une solitude que j’ai toute ma vie, patiemment, édifiée. Pourtant je ne hais pas mes semblables, je n’ai envers eux aucune rancœur, je ne me sens pas supérieur à eux. Plus simplement ils m’indiffèrent et les fréquenter m’obligerait à supporter trop de contraintes depuis les insoutenables incessants bavardages jusqu’aux constant besoins d’effusion hypocrite. Je me mets à l’écart.
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison
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