Le premier film que j’ai vu était « Zéro de conduite » de Jean Vigo, en 1933 au cinéma-théâtre Le Trianon, j’avais 11 ans et j’entrais en quatrième. Mon père ayant enfin obtenu un poste à Mende, mes parents s’y étaient installés et je n’étais plus pensionnaire. Ce fut notre première sortie familiale pour fêter l’événement. Après la séance de 16 heures nous sommes allés manger au Lion d’Or. Une vie nouvelle s’esquissait et je découvrais la vie de collégiens, bien que collégiens comme moi, qui semblaient venus d’un autre monde aussi exotique pour nous petits paysans provinciaux que ces peaux rouges d’Amérique que j’allais bientôt découvrir dans les western. Mais surtout je découvris la magie de ces images mouvantes et parlantes qui faisaient une vie si proche et si différente de la réalité.
Regardant des photos de ma vie, je me trouve confronté à l'inutilité du temps : ces photos témoignent, et ne mentent pas, de ce que j'ai vécu et pourtant je ne m'y retrouve pas. Tel beau jeune homme svelte, presque dansant dans l'allée d'une forêt, je ne le reconnais pas même si j'ai la certitude absolue que ça été un moment de moi, tel enfant joufflu marchant difficilement soutenu de chaque côté par un de ses parents, tel adolescent en tenue de première communion s'appuyant sur l'épaule de son jeune frère… et ces dizaines d'autres jetées comme pour jalnner des espaces temporels variés me restent extérieurs. Certes j'ai été ceux ci à ces moments là mais je ne parviens à retrouver ni la texture ni la saveur de ces instants définitivement perdus. Ni madeleine ni flash de sensations : tout cela m'est définitivement perdu.
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