Le premier film que j’ai vu était « Zéro de conduite » de Jean Vigo, en 1933 au cinéma-théâtre Le Trianon, j’avais 11 ans et j’entrais en quatrième. Mon père ayant enfin obtenu un poste à Mende, mes parents s’y étaient installés et je n’étais plus pensionnaire. Ce fut notre première sortie familiale pour fêter l’événement. Après la séance de 16 heures nous sommes allés manger au Lion d’Or. Une vie nouvelle s’esquissait et je découvrais la vie de collégiens, bien que collégiens comme moi, qui semblaient venus d’un autre monde aussi exotique pour nous petits paysans provinciaux que ces peaux rouges d’Amérique que j’allais bientôt découvrir dans les western. Mais surtout je découvris la magie de ces images mouvantes et parlantes qui faisaient une vie si proche et si différente de la réalité.
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison
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