Comme mes amis ont pu s’en rendre compte, j’ai ressorti mes caisses de correspondance plongeant avec plaisir dans la nostalgie de ces vieilles lettres qui me rappellent des visages, des échanges, des amitiés que le temps a dissous. Comment les hommes d’aujourd’hui, utilisant — comme moi d’ailleurs lorsque j’en ai besoin — le courrier électronique pourront-ils, au soir de leur vie, par la magie de ces papiers jaunis, de ces signes sur la papier si différents les uns des autres, si évocateurs des personnalités de leurs auteurs, plonger ainsi dans leur mémoire ? Je ne parle pas de la postérité ni des chercheurs du futur dont je n’ai que faire mais des sentiments si riches, si pleins d’images et d’odeurs que les lettres, les cartes, les cartes illustrées, les dessins annotés procurent dans la solitude d’une fin de vie. Réflexion de vieillard, nostalgie gâteuse ? Peut-être… Certainement. Ils auront autre chose, des photos par milliers qui s’effacent, des enregistrements, des vidéos… Le monde change et dans ces changements j’ai parfois quelque peine à retrouver mes marques.
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison...
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