Depuis hier, tous ceux qui étaient en âge de vivre l’événement, se souviennent de la transmission télé du premier pas de Neil Armstrong sur la lune. J’avais 47 ans et ne m’en souviens pas. Bien sûr, j’ai vu mille fois ces images à la télévision, mais je ne me souviens pas de ce que je faisais à ce moment précis ni comment je l’ai perçu. J’avais alors ma boutique de livres dans le petit village de Saint-Alban, en Lozère. Je n’avais pas la télévision. Je devais être saoul, comme souvent, ou m’occuper d’une autre lune que notre astre des nuits. Quoi qu’il en soit je doute que tant de gens se souviennent de cela avec autant de précision. Lorsqu’il n’en dispose pas, le cerveau s’invente des souvenirs qui semblent aussi réels que les vrais souvenirs.
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison...
Commentaires
Enregistrer un commentaire