Hier, surprise totale, une jeune fille, Séverine Carnot m’a-t-elle dit, assez petite mais mignonne, longue chevelure cascadant sur ses épaules, regard acéré dans de grands yeux ronds protégé par de petites lunettes ovales, est venue sonner à ma porte. Je ne l’avais jamais vue dans le village, je n’avais d’elle aucun souvenir, sa silhouette agréable ne me disait rien. Mais, si j’en ai l’âge, je n’ai pas la méfiance des vieillards, je l’ai faite entrer. Elle m’a demandé si j’accepterais de répondre à quelques questions. Elle, m’a-t-elle dit, fait une thèse sur mon travail. J’étais très étonné mais ne l’ai pas montré. Après tout, un moment, même bref, de satisfaction est toujours bon à prendre et je ne lui ai pas demandé par quel mystère quelqu’un, quelque part se souvenait encore de ce que j’avais fait et, même si je l’ai pensé, je ne lui ai pas dit qu’il devait y avoir encore bien peu de sujets de thèse ou un tel nombre de thésards qu’ils devaient se pencher sur mon travail… Je lui ai offert un café, nous avons bavardé un peu plus d’une heure. Puis elle est partie pour Montpellier où, dit-elle, elle faisait ses études. Elle a pris mon adresse mail.
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison...
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