Hier, surprise totale, une jeune fille, Séverine Carnot m’a-t-elle dit, assez petite mais mignonne, longue chevelure cascadant sur ses épaules, regard acéré dans de grands yeux ronds protégé par de petites lunettes ovales, est venue sonner à ma porte. Je ne l’avais jamais vue dans le village, je n’avais d’elle aucun souvenir, sa silhouette agréable ne me disait rien. Mais, si j’en ai l’âge, je n’ai pas la méfiance des vieillards, je l’ai faite entrer. Elle m’a demandé si j’accepterais de répondre à quelques questions. Elle, m’a-t-elle dit, fait une thèse sur mon travail. J’étais très étonné mais ne l’ai pas montré. Après tout, un moment, même bref, de satisfaction est toujours bon à prendre et je ne lui ai pas demandé par quel mystère quelqu’un, quelque part se souvenait encore de ce que j’avais fait et, même si je l’ai pensé, je ne lui ai pas dit qu’il devait y avoir encore bien peu de sujets de thèse ou un tel nombre de thésards qu’ils devaient se pencher sur mon travail… Je lui ai offert un café, nous avons bavardé un peu plus d’une heure. Puis elle est partie pour Montpellier où, dit-elle, elle faisait ses études. Elle a pris mon adresse mail.
Regardant des photos de ma vie, je me trouve confronté à l'inutilité du temps : ces photos témoignent, et ne mentent pas, de ce que j'ai vécu et pourtant je ne m'y retrouve pas. Tel beau jeune homme svelte, presque dansant dans l'allée d'une forêt, je ne le reconnais pas même si j'ai la certitude absolue que ça été un moment de moi, tel enfant joufflu marchant difficilement soutenu de chaque côté par un de ses parents, tel adolescent en tenue de première communion s'appuyant sur l'épaule de son jeune frère… et ces dizaines d'autres jetées comme pour jalnner des espaces temporels variés me restent extérieurs. Certes j'ai été ceux ci à ces moments là mais je ne parviens à retrouver ni la texture ni la saveur de ces instants définitivement perdus. Ni madeleine ni flash de sensations : tout cela m'est définitivement perdu.
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