La prison, un des épisodes — il y en eut d’autres — peu glorieux de ma vie. J’avais 23 ans, j’étais en Grande-Bretagne, j’avais alors une petite amie irlandaise que j’avais séduite de la façon la plus stupide en engageant la conversation sur un marché et en la faisant rire avec mon très mauvais anglais et mon horrible accent français… J’ai eu, un jour, envie de lui faire un cadeau et n’ayant pas d’argent, j’avais décidé de voler pour elle un foulard de soie dans un grand magasin. J’avais la technique car ce n’était pas la première fois que je volais. Je prenais même, à cet exercice, un certain plaisir, une réelle excitation. Il me semblait ainsi m’affranchir des conventions bourgeoises, à ma façon pratiquer de dérisoires petites révolutions. Je m’installais devant le comptoir des foulards de soie, collé au comptoir, ma main gauche dans la poche percée de ma veste se glissait vers la pile pour prendre un foulard pendant que de ma main droite je mettais du désordre dans l’étalage en feignant d’hésiter entre plusieurs modèles. Mon larcin accompli, je m’éloignai vers la sortie tout en rôdant entre les rayons comme si j’étais intéressé par diverses choses. À la sortie, un vigile bloquait l’entrée et une femme, entre deux âges me prit par le bras : « suivez-moi je vous prie ». j’avais compris, je ne résistai pas.
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison...
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