Il est un état mental qui me ravit, celui de ce moment précis entre sommeil et conscience éveillée, à la pointe de cet entre-deux, où le rêve se prolonge en même temps que la conscience du rêve s’installe, ce moment où le rêve devenant du récit s’organise de lui-même gommant les fantasmagories du songe pour esquisser une fiction organisée. Mais cet état dure peu car la conscience éveillée gagne vite du terrain. Perdant lentement l’imagination fabuleuse du rêve, la fable devient une narration et, ce faisant, perd tous ses charmes. Je ne vois plus l’intérêt de ce charmant jeune garçon et de cette séduisante petite fille qui, dans le fantastique repas que m’offrait une famille inconnue dans un pays inconnu, m’offraient leurs petits poèmes coloriés : ils ne sont appelés à jouer aucun rôle dans la construction de mes nouvelles ou romans. Pourtant, ces moments de l’éveil, comme autant de poèmes à venir, sont essentiels à mon imaginaire.
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison
Commentaires
Enregistrer un commentaire