Le bonheur ?… J’ai, dans ma vie, connu des moments d’exaltation, de jubilation et de joie intense comme lorsqu’à 15 ans j’ai publié mon premier poème ou à 21 mon premier roman, lors de mon premier flirt ou encore lorsque j’ai réussi au bac. Je me sentais alors triomphant, le monde s’ouvrait à moi et, tout à l’instant présent, je ne projetais rien dans l’avenir. J’ai aussi connu des moments d’ivresse, de grandes explosions de jouissances, sexuelles vers mes 10 ans dans le silence des dortoirs, plus tard, plus forte encore avec ma première fille, puis, s’atténuant avec le temps et l’habitude, avec de nombreuses autres femmes ; quelques moments d’extase dans l’écriture lorsque il m’est arrivé, de temps en temps, trop rarement, d’écrire une phrase, qui allait plus loin que ce que je m’étais d’abord proposé d’écrire… J’ai bien vécu, mais je ne crois pas avoir connu l’allégresse, le vrai bonheur, cette durée dans l’équilibre, la stabilité du corps et de l’esprit, l’équanimité de l’âme que certains auteurs décrivent qui suffit à remplir leurs jours d’harmonie. Pourtant, aujourd’hui, que pourrais-je bien désirer d’autre ?
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison
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