Toute ma vie j’ai écrit des fictions aussi, quand j’ai décidé de m’attaquer à mon autobiographie, il m’a semblé que la tache serait facile : j’avais la matière, j’avais prouvé que je savais construire un récit et mes romans avaient connu un succès indéniable… Pourtant, non… cet exercice d’écriture est bien plus complexe que celui d’une fiction car je ne suis pas totalement le maître : je ne peux pas inventer les personnages et les plier à ma fantaisie, je ne peux pas tordre le fil du récit dans le sens qui me convient. De plus, cet exercice de la mémoire a révélé bien des pièges : chaque fait que je rapporte me remet en tête d’autres faits qui y sont rattachés et me paraissent soudain tout aussi importants, au lieu de contrôler la matière, celle-ci ne cesse de se multiplier, je dois sans cesse me censurer donnant — à mon sens — trop d’importances aux événements que je retiens. Enfin il m’arrive d’hésiter sur les souvenirs ne sachant plus très bien s’ils sont réels ou s’ils ont été déformés par mon imagination. Or je voudrais être sincère, juste, ne rien inventer, coller au plus près de la vérité car quel est l’intérêt de raconter sa vie si le récit n’est qu’une fiction ? Être, à tout moment, celui qu’on a été mais, pour cela, il me faudrait la capacité de franchir les barrières du temps, revenir vraiment en arrière. Et la complétude ?…
Ce matin-là… Ce matin-là je m’éveillais avec un insondable sentiment de vide. Le ciel était étale, d’un bleu pâle absolu, le soleil faisait briller les feuillages, mettait l’espace en scène, enflammait les rosiers rouges dans le jardin en face de mon appartement, rien ne bougeait, c’était comme si tout avait été là, en place, de toute éternité, que rien jamais n’avait, ne devait changer. Une chaise, posée sur l’herbe évoquait l’absence totale de personnage, rien ne bougeait, le silence était total. Seul peut-être, si je forçais mon écoute, un très léger souffle venu de je ne savais où, indiquait que quelque chose, quelque part existait. Je m’assis dans un fauteuil, au soleil, sur le balcon, fermais les yeux. J’étais perdu. Il me semblait que tout ce que j’avais pu réaliser jusque là, que l’ensemble de ce que j’avais vécu était d’une complète vacuité, que j’avais, pour rien, vécu tout ce temps. Soudain, j’étais convaincu que les multiples projets qui, la veille encore, étaient ma raison
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