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Affichage des articles du novembre, 2023
Regardant des photos de ma vie, je me trouve confronté à l'inutilité du temps : ces photos témoignent, et ne mentent pas, de ce que j'ai vécu et pourtant je ne m'y retrouve pas. Tel beau jeune homme svelte, presque dansant dans l'allée d'une forêt, je ne le reconnais pas même si j'ai la certitude absolue que ça été un moment de moi, tel enfant joufflu marchant difficilement soutenu de chaque côté par un de ses parents, tel adolescent en tenue de première communion s'appuyant sur l'épaule de son jeune frère… et ces dizaines d'autres jetées comme pour jalnner des espaces temporels variés me restent extérieurs. Certes j'ai été ceux ci à ces moments là mais je ne parviens à retrouver ni la texture ni la saveur de ces instants définitivement perdus. Ni madeleine ni flash de sensations : tout cela m'est définitivement perdu.
 Il gère son temps comme une exploitation agricole.
 Ce matin, la ville s'est comme  éveillée dans une brume d'eau comme dans un pleaid grisâtre qui par moments se liquéfie en un spray tonique aux odeur d'algues et d'iode.
 J'ai parfois la naïveté de croire qu'il n'est pas utile de fixer mes idées pour en cerner les dimensions réelles et, n'écrivant plus d'articles théoriques, autant les déposer là…
 Le présent n'est qu'une mémoire de l'instant.
 Il marche toujours dans une certaine vacance de la pensée.
 Que signifie "conserver" ? On conserve quoi ?
Les souvenirs nous séparent des vivants, peu à peu nous ne sommes plus entourés que de morts qui font écran entre le monde qui fut et celui qui pourrait encore être.
Le sentiment de nouveauté vieillit avec l’homme ainsi, par conséquence, que l’urgence qu’il éprouve à lui répondre Vieillissant, on apprend à attendre. Aussi, de façon paradoxale, au fur et à mesure que le temps échu se retrécit, le temps vécu lui-même semble devenir de plus en plus long et ce qui pourrait être fait aujourd’hui peut aussi bien l’être demain.
En dépit de la flèche du temps, aucune vie n'est linéaire.
Amours, amitiés adolescentes : André, Roger…
Comme chaque jour, je vais faire une petite marche durant laquelle des phrases ne cessent de se former au rythme de mes pas ce pourquoi j'ai habituellement sur moi un petit carnet et un crayon pour noter celles qui me parlent vraiment. Hier, ayant changé de veste, rien de cela. Or une idée, une phrase particulièrement intéressante m'occupe… Quand je rentre chez moi, je l'ai oubliée, impossible de m'en souvenir. Ne me reste plus que la mémoire de la frustration de ce qui m'apparaît comme une perte irremplaçable.
Même "Mémoires de l'oubli" est déjà utilisé, peut-être alors "Souvenirs de l'oubli"…
Toujours à la recherche d'un titre pour mes mémoires, je voulais les intituler "le livre de l'oubli" mais Google me dit que Bernard Noël m'a devancé. J'hésite donc maintenant entre "Amnésies, mes amnésies et Vous Avez Dit Mémoire"…
Quand je regarde mon corps d’aujourd’hui, cette peau qu’envahissent des taches, ces rides qui signent la fonte des muscles, mes cheveux blancs et rares… je ne peux m’empêcher de revoir mon corps parfait de pré-adolescent.
Jusqu’où aller ?  
Soudain une bouffée violente de lourds souvenirs comme l’odeur trop âcre de la fumée d’un havane.
Je ne suis plus que souvenirs.
"Tout les êtres ordinaires tendent à agir d'une façon qui leur est nuisible" dit le moine bouddhiste Jamgön Kongtrul, c'est en effet une conception de hors monde car c'est le monde auquel on s'affronte qui risque de rendre nos actes nuisibles. Tant que je reste dans ma caverne littéraire, que je m'enfouis dans ses livres je trouve un certain équilibre, donc un certain bonheur. Faut-il que je devienne totalement ermite et disparaisse lentement dans l'indifférence ? Faut-il que je demande à Ronald de ne plus venir me voir ?
Peu de désordre. Je suis tombé sur deux ouvrages très différents que j’avais oublié et qui, cependant, m’ont ravi : les délicieuses lettres du Comte de Bussy-Rabutin (édition de 1731) à divers personnages et le « Traité de physique » de Georges Maneuvrier (édition de 1887) aux gravures multiples et passionantes. Je vais essayer de continuer.
Hier, j'ai gâché une bonne moitié de ma journée à imaginer une phrase au point que, comme de ces chansons dont quelques mesures ne peuvent plus sortir de notre mémoire, elle était devenue une obsession. Je l'ai tournée dans tous les sens, déplaçant la place des mots, les remplaçant par d'autres, essayant de trouver un rythme parfait… À la fin de la journée, je l'ai mise sur le papier et, ce matin, je la trouve si fade, si lisse, si parfaite, que j'ai décidé de la supprimer. Écrire m'est à la fois un besoin et une hantise: je ne sais plus pourquoi écrire, je me rends compte que je ne sais pas vraiment écrire et pourtant… je suis incapable de m'en passer. Qui pourrait me dire comment en finir ?
Je fais, sans hésitation, mienne cette remarque d'Anny Duperey dans son autobiographie "Le Voile Noir" (Le Seuil, 1992): "On rêve toujours que ce que l'on écrit puisse être utile à quelqu'un, ne serait-ce qu'à une seule personne, que ce que l'on a sorti de soi avec peine ne reste pas un monologue stérile, sinon autant vaudrait prendre ces pages et les enfermer tout de suite dans un tiroir."
Chaque individu m’apparaît comme une catastrophe naturelle.
Et pourtant je persiste, je regarde dans ma fenêtre la plaque de plomb du ciel n’y trouvent aucun des signes que j’espère, je regarde mes murs bibliothèques où je perds, peu à peu, l’envie d’aller chercher un volume, je regarde la flamme imprévisible des bûches dans ma cheminée, je regarde le plafond de mon bureau dont le blanc commence à grisonner dessinant d’étranges formes de nuages, je ferme les yeux regardant les imperceptibles mouvements du noir sur mes paupières, je m’arrête… et je retourne tapoter dans Facebook, des messages qui n’intéressent — un peu — que moi.
Pourquoi ce besoin de m'exprimer sur Facebook alors que je n'ignore rien de l'inutilité des paroles. Chacun de nous est une île déserte et les bouteilles que nous jetons à la mer dans l'espoir qu'elles atteignent quelqu'un finissent, bien souvent, emportées par les courants dominants dans l'immense continent de déchets plastique de l'Atlantique Nord.
Les chansons, n’importe quelle chanson ancienne du temps où je vivais, comme ultime moyen de masquer le silence.
Le silence éternel des espaces infinis ne m’effraie pas, le silence éternel des espaces infinis m’indiffère, il est là, hors de moi. Il est… Ce qui me préoccupe, m’inquiète, m’effraie, ce sont les minuscules silences qui, peu à peu s’installent autour de moi, s’agglutinent, forment une coquille dans laquelle je me sens de plus en plus enfermé, silence de ma maison, silence des rues d’un village moribond, silence d’une campagne déserte, silence de mes nuits d’insomnie où, les yeux fixés sur les infimes lueurs qui proviennent de mes persiennes, je mesure à leurs minuscules variations le passage du temps, silence de mes amis morts les uns après les autres, de membres de ma famille de plus en plus lointains, silence social, silences… Et dans ma tête ?
Dans le silence épais qui m’entoure, je me parle. Dans ma solitude, je me parle, mais… je me suis toujours parlé comme, je le pense, la plupart des hommes. J’écoute les mots que je me dis, ces mots qui me disent et, me disant, me disent le monde, ces paroles, cette voix, qui m’occupent sans cesse, proférant des choses banales, souvent sans intérêt, répétitives mais parfois aussi, me semble-t-il, originales et dans cette éternelle conversation intime, me disent que je suis vivant, encore vivant et que c’est le langage qui me fait et me maintient, que la mort ne sera rien d’autre que l’invasion en moi du silence et qu’il me faut continuer à me parler pour essayer de le maintenir hors de moi.
Plus je lis, plus j’écris, et plus je m’aperçois que la plupart d’entre nous ne font que ravaler de vieilles idées qui traînent sous la façade de la littérature. Il n’est presque d’invention que de surface, nous changeons les décors, déplaçons les couleurs mais les fonds sont les mêmes. La littérature est une entreprise de recyclage ce qui, en ces temps d’écodictature, est plutôt à la mode.
Il est un état mental qui me ravit, celui de ce moment précis entre sommeil et conscience éveillée, à la pointe de cet entre-deux, où le rêve se prolonge en même temps que la conscience du rêve s’installe, ce moment où le rêve devenant du récit s’organise de lui-même gommant les fantasmagories du songe pour esquisser une fiction organisée. Mais cet état dure peu car la conscience éveillée gagne vite du terrain. Perdant lentement l’imagination fabuleuse du rêve, la fable devient une narration et, ce faisant, perd tous ses charmes. Je ne vois plus l’intérêt de ce charmant jeune garçon et de cette séduisante petite fille qui, dans le fantastique repas que m’offrait une famille inconnue dans un pays inconnu, m’offraient leurs petits poèmes coloriés : ils ne sont appelés à jouer aucun rôle dans la construction de mes nouvelles ou romans. Pourtant, ces moments de l’éveil, comme autant de poèmes à venir, sont essentiels à mon imaginaire.
Le grand silence de la mort ne m’effraie pas, ce qui m’effraie c’est qu’il soit désormais la seule ligne de fuite de ma vie engluée dans l’infinie reprise quotidienne des routines qui, peu à peu, se sont installées comme seule perspective de vie. Et pourtant mon corps trop solide encore m’empêche d’envisager sérieusement la seule question valide, celle du suicide.
Le bonheur ?… J’ai, dans ma vie, connu des moments d’exaltation, de jubilation et de joie intense comme lorsqu’à 15 ans j’ai publié mon premier poème ou à 21 mon premier roman, lors de mon premier flirt ou encore lorsque j’ai réussi au bac. Je me sentais alors triomphant, le monde s’ouvrait à moi et, tout à l’instant présent, je ne projetais rien dans l’avenir. J’ai aussi connu des moments d’ivresse, de grandes explosions de jouissances, sexuelles vers mes 10 ans dans le silence des dortoirs, plus tard, plus forte encore avec ma première fille, puis, s’atténuant avec le temps et l’habitude, avec de nombreuses autres femmes ; quelques moments d’extase dans l’écriture lorsque il m’est arrivé, de temps en temps, trop rarement, d’écrire une phrase, qui allait plus loin que ce que je m’étais d’abord proposé d’écrire… J’ai bien vécu, mais je ne crois pas avoir connu l’allégresse, le vrai bonheur, cette durée dans l’équilibre, la stabilité du corps et de l’esprit, l’équanimité de l’âme que ce
Toute ma vie j’ai écrit des fictions aussi, quand j’ai décidé de m’attaquer à mon autobiographie, il m’a semblé que la tache serait facile : j’avais la matière, j’avais prouvé que je savais construire un récit et mes romans avaient connu un succès indéniable… Pourtant, non… cet exercice d’écriture est bien plus complexe que celui d’une fiction car je ne suis pas totalement le maître : je ne peux pas inventer les personnages et les plier à ma fantaisie, je ne peux pas tordre le fil du récit dans le sens qui me convient. De plus, cet exercice de la mémoire a révélé bien des pièges : chaque fait que je rapporte me remet en tête d’autres faits qui y sont rattachés et me paraissent soudain tout aussi importants, au lieu de contrôler la matière, celle-ci ne cesse de se multiplier, je dois sans cesse me censurer donnant — à mon sens — trop d’importances aux événements que je retiens. Enfin il m’arrive d’hésiter sur les souvenirs ne sachant plus très bien s’ils sont réels ou s’ils ont été défo