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Affichage des articles du septembre, 2023
Pourquoi me revient soudain ce souvenir qu’entre 10 et 12 ans à peu près j’étais un grand démonteur de pendules ?
Tant de temps passé au lit : leurs désordres me paraissent ainsi créatifs et j’aimerais fixer toutes mes nuits.
  1929 : rester ou partir ?
Une partie de pêche avec son grand-père (vrai ou faux ?), cf Mo Yan p. 131
Différence entre amour et jouissance
À quoi tient le bonheur ?
Ambiguïté des relations avec Sophie. Rencontre du jeune allemand évadé du Rieucros, attirance.
C’était la période de gloire des Blur.
Il serait temps de rompre avec les facilités de plume.
L'été 1931 fut très chaud. À Carmaux, ville peu aérée, chez mes grands-parents paternels où nous passions traditionnellement le mois d'août, j'étouffais. Tant je redoutais mon entrée en sixième, Il me semblait alors que cette asphyxie ne pouvait être qu’un présage de ce qui m'attendait. Je dormais mal, faisais des cauchemars, m’enfermait dans une bouderie permanente que, tout à leur fierté de ma réussite, mes parents ne comprenaient pas.
Le bonheur est-il dans la résignation : savoir se donner des horizons accessibles et renoncer ainsi à toute ambition collective.
Peu à peu s’est installé en moi le manque d’appétence pour le dehors, je n’ai plus beaucoup envie de sortir de chez moi, quitter mon antre — ou mon refuge suivant la façon de le considérer. Je ne sais pas pourquoi. Ou plutôt je ne cherche pas vraiment à le savoir, c’est ainsi. C’est devenu ainsi. Je me sens lentement devenu étranger au monde, plus exactement étranger à toutes les personnes qui le peuplent et que je suis contraint de côtoyer dans tous les lieux publics. Leurs façons d’être, leurs comportements, leurs préoccupations, au mieux m’ennuient ; leurs conversations me rejettent. Le plus souvent, alors même qu’elles ne me concernent pas mais parce que je ne peux faire autrement qu’en percevoir des bribes, elles m’importunent.
Depuis quelques temps je n'écris plus, je ne fais rien, rôde entre mes tas de livres d'une pièce à l'autre. Plus envie de rien, tout me paraît vain, inutile, surfait. Je n’ai plus d’appétence, de gourmandise pour les choses du monde. Bientôt je ne sortirai plus. Dépression météo, peut-être, il paraît que ça existe et qu'il me faut acheter une ampoule spéciale. Mais je ne me vois pas survivre comme un poussin en couveuse. Plus vraisemblablement l'âge, la solitude, la solitude, la solitude, l'âge, l'attente… Que vous importe. Je soliloque.
On se lasse de tout, même du silence et de l’indifférence c’est ainsi que Facebook est une vaste fabrique de lassitude.
Ma mémoire est un cimetière abandonné, mal entretenu, aux tombes en désordre et parfois éventrées où errent les images de fantômes de souvenirs.
  On ne peut se débarrasser de ses tensions physiques que si on accepte de les regarder en face. (Durrell
Tout est en moi, dépend de moi, clarifier les choses, je dois mettre ma vie noir sur blanc, lentement, avec méthode, jusqu'à ce que toute mémoire, toute incertitude, soit à jamais épuisée. Comprendre comment j'en suis venu là.
« La réalité essaie toujours d'imiter l'imagination de l'homme dont elle émane. » Lawrence Durrell, Balthazar.
La mémoire n'a pas d'ordre, le souvenir vient comme il vient avec le goût d'une madeleine ou l'odeur d'un sous-bois et si, dans le récit de ma vie, il y a un début, s'il y aura, nécessairement, une fin, cet ordre m'est imposé par une volonté étrangère à la mienne.
L'injonction moderne à la communication à tous prix, voir notamment les efforts faits en ce sens pour le quatrième âge, n'est-elle pas une façon de restreindre la personnalisation de nos espaces privés ?
Combien faut-il de meurtres, de moments de désespoir, de catastrophes, de renoncements, d'amours meurtries… pour qu'une vie soit jugée digne d'être racontée ?
Il est des moments d'une vie sur lesquels le souvenir s'appuie et crée les fondations de la mémoire.
Il n'est pas facile d'essayer de garder tous ses souvenirs en équilibre.
De plus en plus souvent je n'ai que la solitude en tête.
Passer le temps est une expression effroyable qui signe notre totale impuissance devant une vie vide.
Je me lève (tôt…), je me lave (parfois), je déjeune (peu), je lis (beaucoup), je tourne dans mes pièces (sans arrêt), je vais au bistro (de temps en temps), je cuisine (de moins en moins), je mange (picore), je me couche, tourne, retourne, allume, éteins, lis,éteins, allume, dors, m'éveille, me rendors, me réveille, me rendors, me lève (tôt), je me lave… Comment puis-je continuer à respirer ?
  Le monde est plein de beautés et… je n'en ai plus rien à faire
Lentement je m'efface, me préparant à l'effacement complet. À l'indifférence générale je m'efface de Facebook renonçant désormais à publier les fac simile de ma très copieuse correspondance. Pour le reste je continuerai à soliloquer ailleurs ou… ici.
Analyser ma vie m'est un crève-cœur.
Comment assumer l'ensemble des mauvais choix qui m'ont conduits dans l'impasse où je suis ?
Il y a les moments dont on se souvient, ceux dont croit se souvenir mais qui ne sont parfois que le fruit de notre imagination, ceux — les plus nombreux — que l'on a oublié et ceux que l'on aurait voulu oublier. La vie n'est qu'un jeu avec la mémoire.
V ieillissant ma mémoire se réduit à celle du poisson rouge: j'ai une idée que je trouve intéressante, je remarque quelque chose dont je veux garder le souvenir, une question dont je me propose de chercher la réponse et je fais autre chose. Deux minutes après, j'ai tout oublié de ce que je voulais conserver et cet oubli me torture car je n'ai pas oublié que je voulais me souvenir de quelque chose. Mais de quoi ? Il faudrait que je vive enchaîné à un carnet et un crayon. À condition que je puisse les utiliser immédiatement, peut-être ainsi…
Quoi que j'en dise, vous, mes 321 amis de Facebook vous m'êtes indispensables car Facebook, de plus en plus, est un des petits échelons qui quotidiennement délimitent le gouffre abyssal que devient ma vie et dans lequel je m'enfonce sans retour. Merci à ceux qui s'y manifestent.
Réduire tous les livres aux seuls fragments intéressants.
Je viens de terminer "les dublinois" de James Joyce, ce n'est pas un livre génial mais toutefois on reconnaît la patte (la pâte ?) de l'écrivain à des phrases comme: "L'ombre protégeait sa robe fanée, mais tombait, vengeresse, sur la petite salière de sa clavicule". Si je continue à lire, en dépit de très nombreuses déceptions, c'est pour le seul plaisir de trouver de tels moments de textes.
Je m'étais promis d'écrire tous les jours qui me restent une page, au moins une demi-page, un quart de page, une note… Je n'ai rien d'autre à faire mais n'y parviens pas. Ce n'est pas faute de temps mais de motivation: en quoi mes petits textes peuvent-ils intéresser qui que ce soit ? Autant me regarder tout le jour dans n'importe quel miroir (proximité intéressante avec le mot "mouroir")
Être silencieux sur Facebook ne signifie pas que je ne pense plus simplement il y a parfois une certaine lassitude à communiquer vers les étoiles et les possibles êtres galactiques qui n'envoient jamais de signal de retour. Comme tous, je suis prétentieux et j'aimerais être davantage aimé. Difficile de se contenter du silence. Se taire n’est pourtant pas la solution.
Ni malheureux, ni heureux, je suis, à ce sujet, dans un état d’indétermination absolue.
J'ai passé ma vie à lire des romans. Une rapide estimation me permet de prétendre en avoir lu entre 8 et 10000. Et voilà que, trop tard, je découvre les écrits scientifiques qui jusque là m'effrayaient. Pourtant, dans "Une brève histoire du temps" de Stephen Hawkins ou dans "Gödel, Escher, Bach" de Douglas Hofstadter, je découvre un monde plus riche, plus d'imagination vrai, plus de délire et de rêve que dans toute la littérature romanesque. C'est une joie car je découvre, en même temps, un nouvel intérêt à la lecture.
Il est des livres dont la lecture oblige à partir vers autre chose. Lire n'est, dans ce cas qu'une activité de surface. On lit des mots, des phrases et des pages mais ce qu'elles disent importe finalement assez peu, car ce ne sont que des tremplins vers l'imaginaire d'une écriture autre. Ce qu'on lit alors, c'est ce que l'on a tout d'un coup envie d'écrire: leur lecture engendre notre écriture.
Je viens de terminer l'autobiographie de Cendrars "La main coupée". Il se pose sans cesse en héros, posture qui ne m'attire ni ne me convient ni ne me convainc… C'est un homme d'imagination, ce que, m'efforçant de ratisser au plus près mes restes de souvenirs, je ne suis pas. Si l'écriture n'a d'intérêt que par l'imaginaire et l'inhabituel alors je ferais mieux d'arrêter tout de suite… Pourtant je continue, malgré tout persuadé, que chacun peut retrouver quelque chose de lui-même dans le récit de vies minuscules.
Certaines décisions cruciales ne sont pas difficiles à prendre : elles s’imposent d’elles-mêmes. À 40 ans j’éprouvai soudain une impression d’étrangeté, je regardai le monde des êtres comme je regardai le monde des choses avec les yeux d’un vieil enfant. Plus rien ne me parlait. Plus rien ne résonnait en moi. Entre l’univers dans lequel jusque là je naviguais à l’aise et mes sentiments actuels, s’était élevée une vitre opaque. Je pris alors la décision de me couper définitivement du milieu qui, jusque là, avait été le mien, celui de la création. Et même si parfois j’en éprouve une légère nostalgie, notamment à cause de la solitude relative que cette décision impliquait, je ne l’ai jamais regrettée : désormais je serais davantage que ce que je paraîtrais car je venais de comprendre que je n’étais pas là où je devais être. Mon dernier roman venait d’obtenir un prix littéraire important, un de mes recueils de poésie connaissait un réel succès de vente, j’étais invité dans de nombreux salo
Combien faut-il de meurtres, de moments de désespoir, de catastrophes, de renoncements, d'amours meurtries… pour qu'une vie soit jugée digne d'être racontée ?
L'injonction moderne à la communication à tous prix, voir notamment les efforts faits en ce sens pour le quatrième âge, n'est-elle pas une façon de restreindre la personnalisation de nos espaces privés ?
Les perceptions qui font ma vie sont incommunicables.
Tout est en moi, dépend de moi, clarifier les choses, je dois mettre ma vie noir sur blanc, lentement, avec méthode, jusqu'à ce que toute mémoire, toute incertitude, soit à jamais épuisée. Comprendre comment j'en suis venu là.
Chaque seconde d'une vie est aussi riche qu'une vie entière.
Remonter le temps comme on remonte une pendule ou encore un moteur de voiture.
La mémoire n'a pas d'ordre, le souvenir vient comme il vient avec le goût d'une madeleine ou l'odeur d'un sous-bois et si, dans le récit de ma vie, il y a un début, s'il y aura, nécessairement, une fin, cet ordre m'est imposé par une volonté étrangère à la mienne.
Certains soirs je me sens aussi démuni et abandonné qu'un petit enfant et si je désire alors les bras d'une femme, ce sont seulement ceux d'une mère.
Comment supporter la durée de ma vie actuelle sans revenir à mes souvenirs, comment vivre au jour le jour sans les écrire et tenter de comprendre comment j’ai vécu et pourquoi j’en suis arrivé à cette longue solitude qui est la mienne ? L’écriture, au moins, me lie, même si ce n’est qu’imaginairement, au reste de la communauté humaine car, écrivant, c’est vers elle que je me projette et qu’importe si j’échoue car ma vie n’est que dans cette projection même
Dans mes moments de doute, à la limite de la dépression, quand la météorologie me condamne à l’enfermement dans l’îlot qu’est ma maison, dans l’île qu’est Montolieu, me restent mes disques et mes souvenirs de musique comme ces Offrandes (1921) de Varese, qui, bien sûr n’était pas dans la discothèque de mon père mais que j’ai découvertes bien longtemps après dans un éblouissement presque aussi absolu que celui que j’ai eu, à 15 ans, de découvrir le Pierrot Lunaire de Schönberg (1912), tous deux datant d’avant ma naissance.
« Le souvenir est comme un chien qui se couche où il lui plaît » dit Cees Nooteboom dans Rituels. J’aime cette phrase même si je n’en approuve pas le sens, du moins telle que je la comprends. S’il y a en effet une certaine indépendance du souvenir, la vie n’a vraiment de sens que celle que nous lui donnons, nous portons la responsabilité entière de ce que nous sommes, de ce que nous faisons. Toute ma vie, j’ai essayé de devenir quelqu’un, m’efforçant de produire des choses que je croyais remarquables, je me suis effacé devant l’aspect remarquable de ces choses, j’ai sacrifié les autres possibles de mon existence à ces possibles notabilités, mais je n’ai réussi qu’à me fabriquer des souvenirs, à remplir ma maison, de la cave au grenier, des traces dérisoires de mes actes.
L'é preuve des vipères, le dépassement de soi volontaire que constituait cet affrontement avec l’incarnation de l’effroi et du mal purs n’était qu’une façon d’affirmer notre accord total avec la nature. La nature nous faisait, nous étions une part d’elle et nous nous donnions à elle comme elle se donnait à nous
Ma vie actuelle est si répétitive, chaque jour identique au jour précédent, chaque heure à la même heure de la veille ou du lendemain que je ne peux plus ignorer l’absurdité d’un monde ou faire signifie refaire. Et si je m’obstine dans la recension radoteuse de mes souvenirs, c’est que, désormais, je dois renoncer à m’en constituer d’autres, ne me reste plus en effet que les redites rabâcheuses de la mémoire.
Quelles différences y a-t-il entre raconter une histoire et se souvenir ? Plus j’avance dans le temps, moins je distingue les deux. Écrivant mon autobiographie, je ne sais plus vraiment si je me souviens ou si j’invente une vie qui ne serait que partiellement la mienne. Le souvenir isolé ne s’impose pas, il ne prend chair que dans le récit qui le porte, le lie à d’autres, le construit : se souvenir c’est ainsi toujours édifier la fiction d’une vie.
Chaudement vêtus, nous sommes partis d’un bon pas dans l’univers de la neige chantant à tue-tête la marche des Rois Mages : « De bon matin / J’ai rencontré le train / de trois Grands Rois / Dessus le grand chemin… » qui nous servait souvent de marche guerrière lorsque nous décidions d’attaquer des ennemis réels ou, le plus souvent, imaginaires.
Je lis une phrase de roman et, à n’importe quel moment de ma lecture, à l’improviste, parti d’un fragment, d’un mot, d’un son, je suis entrainé dans un récit qui est le mien, en train de se construire, peut-être à mon insu. Ce son, ce mot, cette phrase, s’est mis en résonance ou me lance sur la voie d’une histoire en écriture. Le texte, le plus souvent, m’est un prétexte, au point que je peux avoir lu dix fois un livre et ne me souvenir de rien. Toute lecture m’est prétexte à écriture. Feuilleter un livre m’est aussi agréable que le lire dans son intégralité et je ne m’intéresse que peu à sa linéarité.
Dévider un fil du souvenir n’est pas difficile une fois que dans la pelote emmêlée du cerveau, le bout de l’un ou de l’autre, pour une raison, une autre, un mot, une image, une chanson, un brin de musique, ont en fait apparaître un bout. Mais les bouts sont innombrables et se cachent l’un l’autre, se confondent rendant leur dégagement aléatoire ce qui fait que l’on ne peut jamais savoir lequel d’entre eux va soudain se révéler ouvrant enfin sa chaîne.
Je n’ignore pas que mon écoute obstinée de la musique est un enfermement dans une bulle intemporelle que renforce encore mon obsession des chansons anciennes de mon enfance. Je vis, dans la solitude, une solitude construite, affirmée et même si parfois celle-ci me pèse, c’est une solitude que j’ai toute ma vie, patiemment, édifiée. Pourtant je ne hais pas mes semblables, je n’ai envers eux aucune rancœur, je ne me sens pas supérieur à eux. Plus simplement ils m’indiffèrent et les fréquenter m’obligerait à supporter trop de contraintes depuis les insoutenables incessants bavardages jusqu’aux constant besoins d’effusion hypocrite. Je me mets à l’écart.
Le plaisir des draps glacés, de la brique chaude, de la bouillotte, de la glace dans le broc pour se « laver » le visage. Rubrique : petits plaisirs et grandes joies.
Ce qui m'amuse le plus, c'est le sentiment de plus en plus fort, d'être invisible aux jeunes filles.
Quoi qu’on fasse, on meurt seul, dans son coin, entouré de la comédie humaine. Étant donné mon âge, ma solitude et ma robustesse, je m’imagine bien mourir dans ma maison, à petit bruit, sans que personne ne s’en aperçoive pas plus Ronald d’un autre car le jour, la durée étant plus ou moins aléatoire, où décidera de me rendre visite, il trouvera ma porte close et ne s’en souciant pas plus que ça, repartira jusqu’à sa prochaine visite. Mon corps aura le temps de se dessécher — ou de pourrir car il ne comprendra qu’il se passe quelque chose d’anormal qu’après plusieurs aller-retour. Quant aux autres, il faudra une longue accumulation de courriers, et surtout de factures, sans réponse pour que quelqu’un se demande si je suis encore en vie.
L a distance… Toute paix est dans la distance aux choses, aux actes, aux événements ; se poser en retrait — mais pas trop cependant — rester dans la vie sans y être englué, pouvoir en être spectateur et, dans ce spectacle, conserver une part de plaisir.
Souvent je lis plusieurs romans à la fois me réjouissant des navigations improbables entre des récits et des styles souvent divergents mais qui, pourtant, par la magie de la lecture, se rejoignent sur un mot, un fragment de phrase, une idée. Alors entre deux fragments de lecture, mon esprit trouve sa place, il s’agite, imagine des solutions aux problèmes qu’elles posent, divague, s’éloigne, revient, décroche, s’accroche, se perd dans les digressions d’une fantaisie imprévue.
Un de mes jeunes voisins, un anglais, est mort hier, il s’appelait Kevin Ayers, Ronald me dit que c’est un génie de la musique, un chanteur « top ». Peut-être… Je ne l’ai jamais rencontré. Chacun vit dans sa coquille. Qu’était-il venu faire dans ce village perdu, peut-être seulement s’y perdre.
J'ai de plus en plus l'impression d'être exclu du temps humain, de vivre dans une espèce — non pas d'éternité — mais de temps immobile. Aujourd'hui, vivant presque en reclus, je ne peux plus prétendre faire partie de l'humanité. Je vis dans un monde qui n'appartient plus qu'à moi où temps et espace ont leurs qualités propres.
Dans les adages de Marc Hodges, je relève celui-ci: "On se fatigue de tout, même de la mort". Juste… mais ça dépend du point de vue adopté, je suis en effet fatigué de l'idée de la mort qui m'occupe depuis mon enfance et m'a accompagné toute ma vie, je m'efforce aussi de m'en débarrasser. Pourtant, ce n'est pas si simple, la mort, elle ne se fatigue pas de moi.
Hier je suis allé à un "événement culturel" à Carcassonne, curieuse chose que cette "culture" qui rassemble des êtres tous identiques dans des lieux qui leur sont consacrés comme des sectateurs de chapelles chacune ayant ses règles comportementales, vestimentaires, langagières qui définissent autant d'entre-soi peu perméables à d'autres comportements. Toute ma vie j'ai essayé de transiter de l'une à l'autre pour n'appartenir à aucune, toujours aussi mal à l'aise de devoir pour me comporter de façon juste dans ces diverses catégories. Je n'ai donc été reconnu par aucune et je ne peux, aujourd'hui, me plaindre d'être solitaire.
À quoi vont servir toutes ces lettres, ces photos, ces brins d'herbe ou de fleurs, ces livres, ces tableaux… que nous conservons si personne n'en fait rien lorsque nous disparaitrons ? Pourrions-nous imaginer une mémoire infinie qui, par la magie d'un programme, ferait, à la demande, ressurgir des mémoires informatiques les personnes que nous étions avec tous les liens que nous avions si patiemment tissés ?
J'écris pour affirmer que j'ai vécu, pour résister au temps qui passe, dépasser la douleur des paroles tues, des silences définitifs, pour essayer de me souvenir, peut-être même m'inventer des souvenirs, m’entretenir de dialogues qui ne peuvent plus avoir lieu, emplir de vie la solitude qui me cerne, repousser, feindre d'ignorer le néant vers lequel je m'achemine à grands pas. J'écris pour tous ceux qui m'ont laissé en route creusant chaque fois un peu plus mon cerveau d’absence. Mon écriture est leur vie et la certitude de ma mort.
Quelle est la nécessité de ce que nous faisons pour nous, pour les autres… Pourquoi créer si la création dans laquelle nous nous impliquons n'est pas fondamentalement nécessaire ?
Mes chambres, mes couvertures, représentent bien ce que je deviens, mon temps de plus en plus envahi par une mauvaise somnolence alors même que le vrai sommeil me fuit et que je traîne lamentablement mes nuits
  Si je ne marche pas plus de quatre kilomètres par jour, je n’arrive pas à calmer mes angoisses.
  Ne pas craindre ses petits rituels.
Des voisins, un jeune couple, viennent de s’installer dans la maison mitoyenne de la mienne, ils sont sympathiques, ont tenu à faire ma connaissance. J’ai accepté, ils sont venus chez moi boire l’apéritif. Soudain je me suis senti plus jeune qu’eux tant ils sont raisonnables, ont peur de l’alcool, programment les deux enfants à venir comme l’heure de leurs repas, parlent bio, mangent bio, baisent bio, ressentent le monde qui les entoure comme une menace bactériologique. Pourtant ils sont intelligents, cultivé mais leurs craintes, leurs programmes, leur interdisent toute fantaisie, toute créativité. J’ai eu envie de les choquer et j’ai trop bu, ai défendu des choses indéfendables… Je pense que, désormais, ils considéreront ma maison comme un lieu de perdition.
Le souvenir est incapable de nous restituer la sensation pleine et entière des moments vécus.
Il y a en moi une timidité terrible qui complique les situations sociales, même les plus simple.
Mon corps m’échappe lentement dont je n’ai plus l’absolue maîtrise. Je me surprends à ronfler, la marche commence à me fatiguer, je ne contrôle plus complètement toutes mes fonctions, je dois me lever plusieurs fois la nuit pour pisser, dès que je m’assied dans un fauteuil je somnole, mes mains souffrent d’arthrose… Faire la liste de de toutes ces petites déchéances alors même que la dégradation me guette ?
Je viens de faire une découverte étonnante, ma maison, plusieurs fois centenaire, semble vieillir avec moi : depuis quelques jours, de minuscules fissures sont apparues sur quelques dalles du salon alors qu’elles n’avaient jamais bougé jusque là. Faut-il que j’interprète cela comme un signe ? Y a-t-il là quelque chose de la maison Usher ?
Le premier film que j’ai vu était « Zéro de conduite » de Jean Vigo, en 1933 au cinéma-théâtre Le Trianon, j’avais 11 ans et j’entrais en quatrième. Mon père ayant enfin obtenu un poste à Mende, mes parents s’y étaient installés et je n’étais plus pensionnaire. Ce fut notre première sortie familiale pour fêter l’événement. Après la séance de 16 heures nous sommes allés manger au Lion d’Or. Une vie nouvelle s’esquissait et je découvrais la vie de collégiens, bien que collégiens comme moi, qui semblaient venus d’un autre monde aussi exotique pour nous petits paysans provinciaux que ces peaux rouges d’Amérique que j’allais bientôt découvrir dans les western. Mais surtout je découvris la magie de ces images mouvantes et parlantes qui faisaient une vie si proche et si différente de la réalité.